terça-feira, janeiro 18, 2005
Duras críticas sobre ensaio clínico com tenofovir nos Camarões
La Nouvelle Expression - 17.01.05
Valentin Siméon Zinga
Le Cameroun
Sida : Le scandale est dans l’éprouvette
Une recherche sur la prévention de la transmission du virus est vivement contestée par des Ong qui dénoncent le choix des prostituées du Sud comme cobayes, le peu de cas fait à l’Ethique, aux risques, et à la prise en charge des participantes. Le Cameroun fait partie des quatre laboratoires retenus par les promoteurs de cet essai.
L’affaire est suffisamment sérieuse pour qu’elle mérite l’attention de l’opinion au-delà des frontières camerounaises. Au point que la chaîne publique de télévision française France 2 lui consacre une enquête dans le cadre de l’émission « Complément d’enquête » programmée ce lundi en deuxième partie de soirée, avant les deux rediffusions projetées par la très francophone TV5 Afrique.
L’histoire d’une recherche qui, au travers d’un essai sur le sida, -en cours dans trois pays africains (Cameroun, Nigeria, Ghana) et le Cambodge-, étale ses controverses, et suscite les critiques les plus virulentes d’ Organisations non gouvernementales, dont le Réseau Ethique Droits et Sida (Reds) au Cameroun, et Act Up-Paris.
Les premiers espoirs
Les spécialistes situent au milieu des années 90, la réflexion née au sein des laboratoires pharmaceutiques, autour de la question des possibilités de prévention de l’infection à Vih. Gilead, un des laboratoires parmi les plus en vue, n’échappe pas à cette tendance générale. Il est de notoriété publique qu’un de ses produits, le ténofovir (Viread), est crédité d’essais encourageants menés en laboratoire.
Il y a plus. En juillet 2003, au cours d’une conférence à Paris, les résultats des essais menés chez le singe, confirment que la molécule est porteuse d’espoirs dans ce domaine. D’où l’option de Gilead à passer à l’étape d’essais chez l’être humain. Le principe alors retenu est clair, qui s’articule autour d’un «essai randomisé, ténofovir contre placebo». En clair, «il s’agit de comparer les résultats de deux groupes, l’un recevant effectivement la molécule, l’autre prenant un comprimé ayant le même aspect mais ne contenant pas de principe actif», selon les milieux avisés.
Les perspectives s’ouvraient ainsi pour une recherche dont on attendait visiblement beaucoup. Les moyens allaient suivre. L’appui de décisif de la Fondation Bill et Belinda Gates (BBG) ne fut ni discret, ni dérisoire : quelques 6,5 millions de dollars accordés à Familiy Health International (FHI) qui devait conduire le projet de recherche parmi les prostituées de quatre pays du Sud, dont trois d’Afrique (le Cameroun, le Ghana, le Nigeria), et un d’Asie (le Cambodge).
Cette option n’a pas manqué de soulever sa lot de critiques. «Du fait de la faible probabilité, en population générale, d’être exposé au Vih dans un pays du Nord, il serait nécessaire d’inclure dans un tel essai un très grand nombre de participants pour déboucher sur des résultats significatifs. Un tel recrutement nécessitant des moyens financiers et logistiques considérables (que Gilead n’a pas souhaité mettre en œuvre) il a été nécessaire de trouver un échantillon de population pour servir de base à l’essai», explique-t-on toujours au sein des Ong.
On s’y veut d’ailleurs plus explicite. Le choix de ces pays «permet de recruter des personnes séronégatives appartenant à un groupe fortement exposé à un risque de contamination par le vih du fait de leur activité. Il est ainsi possible de réaliser un essai dont l’effectif est bien plus réduit que si on l’avait mené en population générale et qui permet de montrer une différence significative entre les deux bras de l’essai ( Placebo et ténofovir, Ndlr) : plus simple, plus rapide et moins coûteux».
Premiers éléments d’un réquisitoire vieux de plus de six mois, qui se fait plus précis dans le cas du Cameroun, et auquel le Family Health International n’a pas encore réagi, du moins en l’état de notre enquête.
Le temps du désespoir
D’une manière générale, les milieux associatifs restent sévères sur les malentendus qui peuvent naître dans les esprits des prostituées. «Cet essai peut laisser penser aux personnes incluses, même s’il leur est expliqué qu’un des deux bras est placebo, que le tenofovir peut les protéger des risques de contamination, alors que cet effet prophylactique n’est pas encore démontré», explique un activiste de longue date. Qui ajoute : «En choisissant, en raison des coûts moindres, des prostituées pour mener cet essai, Gilead leur fait courir un risque supplémentaire alors que, déjà, elles peinent à déployer des stratégies de prévention du Vih/Sida efficaces».
Le Cameroun n’est pas à l’abri de ces réserves d’ordre général qui concernent non pas le principe de la recherche, mais les conditions de son déroulement. Les chiffres avancés par les milieux informés font état d’un échantillon de 200 à 400 prostituées incluses dans l’essai qui s’effectue en terre camerounaise depuis le mois de juin 2004, pour un coût présumé de quelques 800 000 dollars.
En plus des risques liés à ces possibles incompréhensions, les modalités financières d’inclusion des prostituées à l’essai présentent des allures d’un chantage, à en croire les représentants de la société civile opposés à cette approche de la recherche. «L’essai tenofovir prévoit un suivi et un accès au traitement pour les infections sexuellement transmissibles (Ist) des participantes. On pourrait penser que ce dispositif a quelque chose de généreux. En fait, cela n’est rien d’autre qu’un moyen de fidéliser les prostituées et de minimiser les risques de <<>>. Il se trouve par ailleurs que les examens de suivi sont nécessaires à la validation scientifique de l’essai.
De même le montant de défraiement fixé à 2750 Fcfa relève d’un cynisme inouï. En effet, un rapide calcul permet de comprendre que cette somme a été fixée d’une part pour payer les frais de transports (500 F pour le taxi) et d’autre part pour payer le manque à gagner des prostituées (2 250 F, soit l’équivalent de deux passes, tarif plancher à Douala)», s’emporte un représentant d’Ong.
Il n’est pas jusqu’à la prise en charge des participantes qui ne préoccupe les adversaires des conditions de déroulement de l’essai. D’une part, le personnel d’accompagnement des participantes est jugé insuffisant. «Aucun accès aux préservatifs féminins n’est prévu et les moyens mis en œuvre pour accompagner les personnes sont dérisoires, puisque seuls cinq travailleurs sociaux sont prévus pour cent personnes», affirme un activiste qui connaît bien la situation du Cameroun.
D’autre part, «l’accès aux traitements et aux soins n’est pas prévu pour les personnes découvertes séropositives à l’entrée dans l’essai ni pour celles devenues séropositives au cours de l’essai», le même, qui aurait souhaité un engagement des promoteurs de l’essai à prendre en charge les participantes à cet essai.
Se dessinent ainsi, en filigrane de ce réquisitoire contre l’essai Tenofovir, les grandes lignes de ce qui est perçu par les Ong, comme un conflit d’intérêt articulé autour d’une logique commerciale à visage scientifique. L’Ethique contre le capital. Et le Cameroun apparaît comme fragilisé par une absence de mécanismes rigoureux de d’orientation des recherches biomédicales.
Le Cameroun face à ses responsabilités
Beaucoup regrettent que le Cameroun n’ait pas été suffisamment vigilant sur cette recherche à problèmes. Mais, personne ne le nie : l’essai tenovofir qui se déroule au Cameroun aura bénéficié d’un avis favorable du Comité National d’Ethique.
Reste que beaucoup s’interrogent toujours sur l’efficacité de cette structure créée en 1986, et que préside le Pr Lazare Kaptué à la tête d’une quarantaine de membres dont une demi-dizaine répond effectivement aux sollicitations. Elle a beau émettre des avis sur des projets de recherche qui lui sont soumis, l’institution ne peut prétendre avoir donné son imprimatur à toutes les recherches en cours au Cameroun.
Les plus suspicieux y vont même de leurs insinuations, traçant des parallèles entre l’indigence de cette structure – qui, pendant longtemps n’a reçu aucun financement au point de ne tenir qu’à la générosité de son président- et une certaine flexibilité dans les accords marqués pour certains projets.
Or, beaucoup sont convaincus que le Cameroun gagnerait à renforcer son dispositif légal institutionnel et légal pour s’assurer de l’intérêt pour le pays des recherches qui s’y effectuent. Revient alors, lancinante, une question apparemment sensible : à quand une loi sur la recherche biomédicale au Cameroun? A défaut d’un texte dont certains annonçaient l'examen à l’Assemblée nationale il y a quelques temps, le gouvernement a créé depuis août 2003, une Division de la recherche opérationnelle qui devrait délivrer les autorisations administratives aux projets de recherches ayant préalablement reçu une la caution du Comité National d’Ethique. On est loin du dispositif de veille idéal sur ces questions sensibles…
Bien loin aussi de la fermeté des autorités cambodgiennes qui, averties des critiques formulées à l’encontre de l’essai tenofovir, avait déjà, dès le mois d’août 2004, mis fin à cette recherche sur leur sol. Pas moins !
Valentin Siméon Zinga
Le Cameroun
Sida : Le scandale est dans l’éprouvette
Une recherche sur la prévention de la transmission du virus est vivement contestée par des Ong qui dénoncent le choix des prostituées du Sud comme cobayes, le peu de cas fait à l’Ethique, aux risques, et à la prise en charge des participantes. Le Cameroun fait partie des quatre laboratoires retenus par les promoteurs de cet essai.
L’affaire est suffisamment sérieuse pour qu’elle mérite l’attention de l’opinion au-delà des frontières camerounaises. Au point que la chaîne publique de télévision française France 2 lui consacre une enquête dans le cadre de l’émission « Complément d’enquête » programmée ce lundi en deuxième partie de soirée, avant les deux rediffusions projetées par la très francophone TV5 Afrique.
L’histoire d’une recherche qui, au travers d’un essai sur le sida, -en cours dans trois pays africains (Cameroun, Nigeria, Ghana) et le Cambodge-, étale ses controverses, et suscite les critiques les plus virulentes d’ Organisations non gouvernementales, dont le Réseau Ethique Droits et Sida (Reds) au Cameroun, et Act Up-Paris.
Les premiers espoirs
Les spécialistes situent au milieu des années 90, la réflexion née au sein des laboratoires pharmaceutiques, autour de la question des possibilités de prévention de l’infection à Vih. Gilead, un des laboratoires parmi les plus en vue, n’échappe pas à cette tendance générale. Il est de notoriété publique qu’un de ses produits, le ténofovir (Viread), est crédité d’essais encourageants menés en laboratoire.
Il y a plus. En juillet 2003, au cours d’une conférence à Paris, les résultats des essais menés chez le singe, confirment que la molécule est porteuse d’espoirs dans ce domaine. D’où l’option de Gilead à passer à l’étape d’essais chez l’être humain. Le principe alors retenu est clair, qui s’articule autour d’un «essai randomisé, ténofovir contre placebo». En clair, «il s’agit de comparer les résultats de deux groupes, l’un recevant effectivement la molécule, l’autre prenant un comprimé ayant le même aspect mais ne contenant pas de principe actif», selon les milieux avisés.
Les perspectives s’ouvraient ainsi pour une recherche dont on attendait visiblement beaucoup. Les moyens allaient suivre. L’appui de décisif de la Fondation Bill et Belinda Gates (BBG) ne fut ni discret, ni dérisoire : quelques 6,5 millions de dollars accordés à Familiy Health International (FHI) qui devait conduire le projet de recherche parmi les prostituées de quatre pays du Sud, dont trois d’Afrique (le Cameroun, le Ghana, le Nigeria), et un d’Asie (le Cambodge).
Cette option n’a pas manqué de soulever sa lot de critiques. «Du fait de la faible probabilité, en population générale, d’être exposé au Vih dans un pays du Nord, il serait nécessaire d’inclure dans un tel essai un très grand nombre de participants pour déboucher sur des résultats significatifs. Un tel recrutement nécessitant des moyens financiers et logistiques considérables (que Gilead n’a pas souhaité mettre en œuvre) il a été nécessaire de trouver un échantillon de population pour servir de base à l’essai», explique-t-on toujours au sein des Ong.
On s’y veut d’ailleurs plus explicite. Le choix de ces pays «permet de recruter des personnes séronégatives appartenant à un groupe fortement exposé à un risque de contamination par le vih du fait de leur activité. Il est ainsi possible de réaliser un essai dont l’effectif est bien plus réduit que si on l’avait mené en population générale et qui permet de montrer une différence significative entre les deux bras de l’essai ( Placebo et ténofovir, Ndlr) : plus simple, plus rapide et moins coûteux».
Premiers éléments d’un réquisitoire vieux de plus de six mois, qui se fait plus précis dans le cas du Cameroun, et auquel le Family Health International n’a pas encore réagi, du moins en l’état de notre enquête.
Le temps du désespoir
D’une manière générale, les milieux associatifs restent sévères sur les malentendus qui peuvent naître dans les esprits des prostituées. «Cet essai peut laisser penser aux personnes incluses, même s’il leur est expliqué qu’un des deux bras est placebo, que le tenofovir peut les protéger des risques de contamination, alors que cet effet prophylactique n’est pas encore démontré», explique un activiste de longue date. Qui ajoute : «En choisissant, en raison des coûts moindres, des prostituées pour mener cet essai, Gilead leur fait courir un risque supplémentaire alors que, déjà, elles peinent à déployer des stratégies de prévention du Vih/Sida efficaces».
Le Cameroun n’est pas à l’abri de ces réserves d’ordre général qui concernent non pas le principe de la recherche, mais les conditions de son déroulement. Les chiffres avancés par les milieux informés font état d’un échantillon de 200 à 400 prostituées incluses dans l’essai qui s’effectue en terre camerounaise depuis le mois de juin 2004, pour un coût présumé de quelques 800 000 dollars.
En plus des risques liés à ces possibles incompréhensions, les modalités financières d’inclusion des prostituées à l’essai présentent des allures d’un chantage, à en croire les représentants de la société civile opposés à cette approche de la recherche. «L’essai tenofovir prévoit un suivi et un accès au traitement pour les infections sexuellement transmissibles (Ist) des participantes. On pourrait penser que ce dispositif a quelque chose de généreux. En fait, cela n’est rien d’autre qu’un moyen de fidéliser les prostituées et de minimiser les risques de <<>>. Il se trouve par ailleurs que les examens de suivi sont nécessaires à la validation scientifique de l’essai.
De même le montant de défraiement fixé à 2750 Fcfa relève d’un cynisme inouï. En effet, un rapide calcul permet de comprendre que cette somme a été fixée d’une part pour payer les frais de transports (500 F pour le taxi) et d’autre part pour payer le manque à gagner des prostituées (2 250 F, soit l’équivalent de deux passes, tarif plancher à Douala)», s’emporte un représentant d’Ong.
Il n’est pas jusqu’à la prise en charge des participantes qui ne préoccupe les adversaires des conditions de déroulement de l’essai. D’une part, le personnel d’accompagnement des participantes est jugé insuffisant. «Aucun accès aux préservatifs féminins n’est prévu et les moyens mis en œuvre pour accompagner les personnes sont dérisoires, puisque seuls cinq travailleurs sociaux sont prévus pour cent personnes», affirme un activiste qui connaît bien la situation du Cameroun.
D’autre part, «l’accès aux traitements et aux soins n’est pas prévu pour les personnes découvertes séropositives à l’entrée dans l’essai ni pour celles devenues séropositives au cours de l’essai», le même, qui aurait souhaité un engagement des promoteurs de l’essai à prendre en charge les participantes à cet essai.
Se dessinent ainsi, en filigrane de ce réquisitoire contre l’essai Tenofovir, les grandes lignes de ce qui est perçu par les Ong, comme un conflit d’intérêt articulé autour d’une logique commerciale à visage scientifique. L’Ethique contre le capital. Et le Cameroun apparaît comme fragilisé par une absence de mécanismes rigoureux de d’orientation des recherches biomédicales.
Le Cameroun face à ses responsabilités
Beaucoup regrettent que le Cameroun n’ait pas été suffisamment vigilant sur cette recherche à problèmes. Mais, personne ne le nie : l’essai tenovofir qui se déroule au Cameroun aura bénéficié d’un avis favorable du Comité National d’Ethique.
Reste que beaucoup s’interrogent toujours sur l’efficacité de cette structure créée en 1986, et que préside le Pr Lazare Kaptué à la tête d’une quarantaine de membres dont une demi-dizaine répond effectivement aux sollicitations. Elle a beau émettre des avis sur des projets de recherche qui lui sont soumis, l’institution ne peut prétendre avoir donné son imprimatur à toutes les recherches en cours au Cameroun.
Les plus suspicieux y vont même de leurs insinuations, traçant des parallèles entre l’indigence de cette structure – qui, pendant longtemps n’a reçu aucun financement au point de ne tenir qu’à la générosité de son président- et une certaine flexibilité dans les accords marqués pour certains projets.
Or, beaucoup sont convaincus que le Cameroun gagnerait à renforcer son dispositif légal institutionnel et légal pour s’assurer de l’intérêt pour le pays des recherches qui s’y effectuent. Revient alors, lancinante, une question apparemment sensible : à quand une loi sur la recherche biomédicale au Cameroun? A défaut d’un texte dont certains annonçaient l'examen à l’Assemblée nationale il y a quelques temps, le gouvernement a créé depuis août 2003, une Division de la recherche opérationnelle qui devrait délivrer les autorisations administratives aux projets de recherches ayant préalablement reçu une la caution du Comité National d’Ethique. On est loin du dispositif de veille idéal sur ces questions sensibles…
Bien loin aussi de la fermeté des autorités cambodgiennes qui, averties des critiques formulées à l’encontre de l’essai tenofovir, avait déjà, dès le mois d’août 2004, mis fin à cette recherche sur leur sol. Pas moins !